John A Dreams

EN 2011, PATRICK PINEAU COMMANDAIT À SERGE VALLETTI UN TEXTE SUR HAMLET. ONZE ANS PLUS TARD, L’AUTEUR LUI OFFRE JOHN A-DREAMS, VOYAGE TORTUEUX D’UN HOMME DANS LE CHAOS DE SA VIE.

Qui est ce John a-dreams exhumé de la dramaturgie shakespearienne par Serge Valletti ? Une ombre dans l’ombre d’Hamlet devenue, sous sa plume carnassière, un être de chair meurtrie et de coups de sang. Écrit sur mesure pour Patrick Pineau et servi par une mise en scène habile, le texte colle au comédien qui en habite chaque mot, galvanisé par la puissance d’un verbe impétueux. Pris à témoins, nous accompagnons cet homme dans le vertige de ses démons intérieurs, criant vengeance au rythme saccadé de ses remords et de ses angoisses. C’est à la fois haletant comme une course folle et beau comme une fêlure à l’âme.

Ce John a-dreams dont Hamlet parle à la scène 2 de l’acte II.
Et précisément, il indique qu’il se ressent comme John a-dreams, plusieurs auteurs ont essayé de
traduire ce nom, cela donne Jeannot le rêveur, Jean de la Lune, Jean le songeur.
C’est qui ce type alors ?
Dans ce monologue de la scène 2 de l’acte II, Hamlet a l’idée saugrenue d’utiliser le théâtre pour
confondre le coupable. C’est étrange tout de même d’avoir l’idée d’enquêter sur un meurtre en
utilisant le théâtre ! Là est tout le génie de William Shakespeare, puisqu’il se sert du théâtre pour
éclairer le théâtre !
Mais surtout, et c’est le déclencheur de tout, Hamlet doute :
– Et si ce spectre qui m’est apparu pour que je le venge était un imposteur ?
Ce n’est donc pas en premier lieu pour confondre l’assassin qu’il a l’idée d’utiliser le théâtre mais
pour s’assurer que le spectre est bien celui de son père et non pas quelque démon singeant son père
pour lui faire commettre un acte irréparable : tuer Claudius qui serait innocent.
C’est ce doute qui nous meut et nous point !
Nous sommes des douteurs !
Et c’est ce qui fait notre honneur !
Car rien ne serait plus terrible que de tuer un innocent !
Alors d’abord place au théâtre pour vérifier la vérité, car à cet endroit l’acteur fera disparaître le
doute, le dissoudra dans son interprétation et nous emportera sur les vagues du rêve.
Serge Valletti

 

Alors débutera la fin, le dernier acte de la machine à turpitudes de l’homme calamistré, il
entrera par ici et s’arrêtera de parler, passera simplement sa main sur son épaule et avec un
sourire fera semblant de s’endormir pour entrer dans ses rêves.
Et au bout du bout de la nuit, il mettra dans sa valise quatre ou cinq vêtements, une ceinture,
deux ou trois livres, un galet rayé, une breloque, ouvrira la porte de sortie et sans se retourner se
dirigera vers l’endroit où il y a le sable mouillé, entre deux parapets, le long de l’autostrade, sur
une aire de repos.
L’odeur d’herbes fauchées !
Ah ! si demain venait enfin le passé !