Black March

“Black March, c’est l’endroit où Beethoven rencontre un zèbre; l’endroit où un grand pianiste fait face à une jeune mère; l’endroit où flottent des soignants, des nugget’s, des steacks trop cuits, un super gars, des chaussettes, des mégots, du scotch marron; l’endroit où l’odeur du tabac froid et de l’alcool évoquent Gainsbourg ; l’endroit où la désintoxe s’imbibe d’absurde; l’endroit de réhabilitation, où comme ailleurs, les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être. Black March est une ode aux êtres abîmés, rugueux et drôles.” 

– Claire Barrabès

“Sujet majeur de mon écriture, les mécanismes de violence -au sens large- structurent profondément notre monde, par-delà la morale, la religion ou les lois. Ils naissent dans la zone trouble où convergent libido, économie et morale. La violence, sous toutes formes, divise la société autant qu’elle la lie. La valeur mercantile de l’individu et de son existence ne cessent de nourrir les mécanismes morbides de nos sociétés.”

 

– Claire Barrabès

Illustration Black March - Lauren Orcier-Pineau

Extrait :

“Regarde, c’est un petit Nuggets qui gambade dans une forêt de frites il dit « Salut les hérissons, salut les fourrés, salut les pinsons, salon les pinsus, salut les orchidées – oui c’est une forêt de frites tropicales très chaudes – salut les nuages et puis il aperçoit sa mère la poule et son père le coq et le petit Nuggets pense que si ses parents étaient moins bêtes avec leur regard de bovin, et s’il n’avait pas tous ses frères et sœurs autour de lui, peut-être qu’il serait plus épanoui en tant que nuggets….”
“… et il sert ses poings de panure industrielle…il sait bien que ses artères sont bouchées de trop de diabète de type 2 et de cholestérol, mais il ne sait pas pourquoi il s’acharne, parce que tant qu’il vit, il veut continuer de sentir sa chair frissonner sous sa croûte molle, et chanter, et jouer de la musique…”

“…il ne se résout pas à la fadeur, à la bêtise, au Hit
Parade et à la 5G et il attend le réchauffement et la montée des eaux, il sent que c’est par l’eau que tout arrivera ; et tout à coup …”

– Claire Barrabès

Aujourd’hui je fais mon chemin solitaire
Toutes mes ambitions se sont faites la paire
J’me suis laissé envahir par les orties
Par les ronces de cette chienne de vie
Mes illusions donnent sur la cour
Mais dans les troquets du faubourg
J’ai des ardoises de rêveries
Et le sens d’ironie
J’me laisse aller à la tendresse
J’oublie ma chambre au fond d’la cour
Le train de banlieue au petit jour
Et dans les vapeurs de l’alcool
J’vois mes châteaux espagnols

– Serge Gainsbourg

Bertrand est un ancien pianiste virtuose alcoolique, que la rencontre avec Minona, jeune mère en perdition, distrait de son mutisme.
Ralph, doux dingue, demande la jeune femme en mariage.
La rencontre de ce trio, sous le signe de la désintox, sert d’étincelle explosive.
De quoi faire vaciller l’institution hospitalière dont les médecins semblent autant en perdition que leurs patients.
« J’ai pas de solution, j’ordonne des sédations et des contentions enfermée dans ma blouse… » marmonne, impuissante, la psychiatre.

« J’ai des ardoises de rêverie/ et le sens de l’ironie », chantait Gainsbourg dans son album imbibé, Black March. 

Claire Barrabès, jeune autrice à l’écriture nerveuse, s’en inspire et laisse déborder le verbe dans des dialogues impulsifs, sensibles, absurdes.

Enrobée de fumées épaisses, la scène aseptisée façon laboratoire prend vite un tournant utopiste, libertaire.

De chansons en danses acrobatiques, la Compagnie Pipo, sous la direction de Sylvie Orcier, emporte cette ode vers un véritable tourbillon théâtral, musical et acrobatique. Un vent de folie déraisonnable qui balaye toutes les camisoles.